R.O.C. 06
3Sep/13Off

La fausse promesse d’une énergie propre


La fausse promesse d'une énergie propre par NicoSaxo

Le constat est inquiétant : certaines des solutions préconisées pour produire de l'énergie 'propre' ont l'effet inverse. C'est ainsi que les biocarburants contribuent en fait à l'augmentation des émissions de CO2.

Un documentaire diffusé le 14 mai 2013 par la chaine ARTE s'appuit sur des enquêtes menées aux quatre coins du monde montrant que certaines énergies décriées comme telles ne sont pas vraiment vertes.

D’ici à 2050, les fournisseurs d’électricité devront produire de l'énergie sans émettre de dioxyde de carbone (CO2). L’éolien et le solaire font naître des espoirs, alors qu'ils ne couvrent que 1 % de l’approvisionnement en énergie en Europe. En revanche, l'industrie du biogaz se développe.

Seul souci : "pour alimenter cette filière, il faut de la biomasse, matière organique, qui, après transformation, produira de l'énergie". À l'origine, celle-ci devait provenir des déchets agricoles. Mais, au final, les exploitants préfèrent cultiver du maïs, et utilisent pour cela… du fioul. L'essence consommée par les 7.500 centrales de biogaz allemandes par exemple génère 2,5 millions de tonnes de CO2 par an, des données qui n'entrent pas en compte dans le bilan carbone de l'Union européenne.

Cette céréale sert aussi de base aux biocarburants. En Europe, l’extension de sa production se fait au détriment des parcelles en fourrage ou des tourbières qui constituent d’importantes réserves de CO2. Au Brésil, elle provoque la destruction de pans entiers de la forêt amazonienne, libérant au passage des tonnes de gaz à effets de serre. En Europe, les centrales thermiques sont censées remplacer le charbon par du bois, mais les résultats ne sont guère probants. Partout, des multinationales régissent le marché de l’énergie.

Ce documentaire donne la parole à des syndicalistes paysans, des experts, des commissaires européens et des militants écologistes pour mieux décrypter certaines collusions d’intérêt entre politiques et industriels.

Le Parti de Gauche et Jean Luc MELENCHON prônent la planification comme méthode et l'Ecosocialisme comme pierres angulaires à la conduite de la transition énergétique.

Nous ne croyons pas au capitalisme vert qui reste, par essence, sur un modèle productiviste et de recherche du profit comme seul guide.

Les idées du Front de Gauche font sourire ? Peut être, mais les mesures appliquées aujourd'hui font pleurer. Il faut en changer, quel modèle alternatif le capitalisme propose t-il ? Aucun !

10Nov/12Off

Anne Lauvergeon et Pascal Colombani au comité de pilotage du débat sur l’énergie : Une sinistre farce qui en dit long sur le sort du débat

Communiqué de presse du réseau sortir du nucléaire

Ce samedi 10 novembre, cinq personnalités ont été choisies par Delphine Batho pour participer au comité de pilotage du débat sur l’énergie. Parmi elles, Anne Lauvergeon, ancienne patronne d’Areva, et Pascal Colombani, ancien administrateur général du Commissariat à l’Énergie Atomique ! Pour le Réseau « Sortir du nucléaire », ces nominations, qui ont tout d’une sinistre farce, confirment que ce débat n’est pas destiné à remettre en cause notre modèle énergétique.

Ces nominations ont tout d’une provocation : comment parler de transition énergétique et de démocratie tout en sollicitant des personnalités qui constituent jusqu’à la caricature l’incarnation du lobby nucléaire ? Le signal est clair : Delphine Batho vient d’indiquer sa volonté de protéger à tout prix les intérêts de l’industrie nucléaire.

Le Réseau « Sortir du nucléaire » avait déjà eu l’occasion d’exprimer sa défiance envers le processus initié par le gouvernement : quel sens cela a-t-il de débattre alors même que des décisions lourde de sens sont adoptées, et que règne la politique du fait accompli ? Poursuite de Flamanville, confirmation de la production et de l’utilisation de MOX, manque absolu de volontarisme sur la fermeture de Fessenheim, repoussée en 2016 : les exemples sont légions.

Avec ces nominations récentes, le gouvernement confirme le caractère d’alibi d’un débat qui semble avant tout destiné à entériner des orientations déjà prises. Avec de telles personnalités, symboles d’une énergie du siècle dernier, comment imaginer que ce débat puisse déboucher sur une remise en question réelle et indispensable de notre système énergétique, vers une société sobre et renouvelable ? Comment espérer que soit sérieusement discutée la possibilité de fermer d’autres centrales que Fessenheim ?

Contacts :

François Mativet - 06 03 92 20 13

Sophie Morel - 07 77 85 16 09

29Oct/12Off

Faut-il toujours plus de croissance ?

Controverse, par Sabrina Kassa| 21 septembre 2011 sur Regards.fr

S’appuyant sur la crise financière et celle de la dette actuelles, le chercheur Philippe Askenazy et le professeur Jean Gadrey démystifient l’idée que croissance égale bonne santé économique d’un pays. Ils nous expliquent en quoi elle est un danger écologique et économique et proposent des alternatives possibles .

Regards.fr : Pourquoi la croissance fait-elle aujourd’hui débat ? Est-ce un bon indicateur du progrès et de la prospérité ? 

Jean Gadrey : La croissance est en question pour de multiples raisons. Une progression de 2 % par an de la consommation par habitant signifierait que nos descendants consommeraient six fois plus de biens en 2100, 40 fois plus en 2200, etc. Quand arrête-t-on cette course folle pour réfléchir aux fondamentaux du bien-vivre ? La croissance ne tient plus ses promesses de progrès social dans les pays riches. Les statistiques mondiales montrent que les grands indicateurs de progrès humain ne sont pratiquement plus corrélés au PIB par habitant au-dessus d’un seuil que nous avons dépassé en France depuis les années 1970 ! Enfin, la crise écologique est désormais l’argument principal. Les pays qui ont le plus gros PIB par habitant sont en tendance ceux qui ont la plus forte empreinte écologique par habitant, les plus hauts niveaux d’émission de gaz à effet de serre et de consommation de ressources du sol et du sous-sol. La croissance est l’explication principale de la crise écologique. C’est à la fin des Trente Glorieuses que l’humanité a commencé à émettre plus de CO2 que ce que la nature peut « absorber », et nous en sommes aujourd’hui à deux fois plus. Il y a de quoi être « atterré »…

Philippe Askenazy : La croissance fait actuellement débat, essentiellement parce qu’elle fait défaut dans la plupart des pays développés ; la Chine peut s’interroger sur le risque de surchauffe de son économie mais pas sur la pertinence de la croissance. L’absence d’une progression forte du PIB dans nos économies se double d’une répartition de ses fruits profondément inégalitaire. Ils sont essentiellement accaparés par une toute
petite partie de la population, de l’ordre de 1 % dans de nombreux pays, dont la France. Cette inégalité explique en grande partie pourquoi elle n’est plus nécessairement synonyme de progrès humain. En retour, l’inégalité est un obstacle à reconstruire une croissance saine. En effet, elle ne permet pas le développement de services à hautes valeurs ajoutées, comme la santé ou l’éducation. Ces services seraient également une
réponse à une autre interrogation : la croissance est-elle écologiquement soutenable ? La croissance n’est pas condamnée à être carbonée.

Regards.fr : La croissance est-elle la solution pour lutter contre le chômage et sortir de la crise financière ? 

Jean Gadrey : Pour la crise financière, lessolutions, avec ou sans croissance, se trouvent d’abord dans la reprise en main par les citoyens de la finance, de la création monétaire et du crédit : ce sont des biens communs, dont la privatisation depuis les années 1980 explique largement la situation actuelle. S’agissant du chômage, il est clair que, si, en France et en Europe, la croissance est nulle ou négative dans les prochaines années, ce sera grave pour l’emploi, pour les dettes publiques et pour les investissements de la transition écologique et sociale. On ne quitte pas comme cela un régime productiviste, pas plus qu’on ne quitte instantanément
le nucléaire, la civilisation de la voiture et des camions, l’agriculture conventionnelle, etc. On aura encore probablement des gains de productivité globaux pendant quelques années. Il faut donc engager au plus vite un virage antiproductiviste et viser la sobriété matérielle et énergétique équitable. Combien de temps cela prendra-t-il ? Tout dépendra des décisions politiques et donc des mouvements sociaux. Un véhicule
qui court vers le précipice et qui a une forte inertie doit prendre à temps un virage à 90 degrés, mais cela ne peut pas être instantané.

Philippe Askenazy : La croissance n’est pas une solution à la crise financière. Cette dernière est le résultat d’une régulation insuffisante des activités financières, d’institutions politiques mal construites – la crise de l’euro en est une illustration — et des inégalités sociales, qui poussent les uns à s’endetter et les autres à spéculer. De fait, la crise financière, en entretenant une instabilité dans la sphère réelle, est un obstacle à la
croissance, pas une conséquence d’une faible croissance. En revanche, développer de nouvelles activités est mécaniquement la solution pour créer des emplois. Cela ne se traduit pas nécessairement par un PIB plus élevé. A nouveau, les inégalités sont telles que prendre la capacité d’épargne accumulée dans la dernière décennie par les 1 % les plus aisés de la population française permettrait à l’Etat de créer 1 million d’emplois, dont la productivité sociale serait élevée, mais faible au regard du PIB qui est à la base de la mesure actuelle de la croissance.

Regards.fr : La croissance est-elle compatible avec la rareté des ressources, notamment énergétiques ? 

Jean Gadrey : La « croissance verte » me semble une illusion scientiste. Deux arguments parmi d’autres : pour atteindre les objectifs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC), il faudrait que les pays riches divisent par 5 leurs émissions de CO2 d’ici 2050, soit en moyenne une réduction de 4 % par an (c’est le pourcentage de réduction réalisée en France… en dix ans). Un tel objectif est déjà
très ambitieux. Mais, avec une croissance de 2 % par an, il faudrait réduire les émissions de 6 % par an par unité produite. Aucun scénario ne permet de croire que c’est possible. Michel Husson et Tim Jackson ont montré séparément que l’atteinte des objectifs du GIEC est incompatible avec la poursuite de la croissance dans le monde, donc, a fortiori, chez nous. Deuxième argument : on est proche du pic à partir duquel la production mondiale de pétrole va décroître inéluctablement et son prix s’envoler. Selon certains experts, on y serait déjà. Si l’on ajoute que bien d’autres pics vont être atteints dans les dix à trente ans à venir, pour presque tous les minerais de base de l’abondance matérielle (plomb, argent, cuivre, uranium, nickel…), sans parler des terres arables de plus en plus convoitées, de l’eau et des forêts, on peut parier que, quoi que l’on fasse, la croissance et les gains de productivité vont cesser. Il serait sage d’anticiper le virage vers un autre modèle, plutôt que de subir une gigantesque récession mondiale.

Philippe Askenazy : Contrairement à une idée reçue qui émerge de manière récurrente depuis le premier choc pétrolier, la croissance est parfaitement compatible avec la rareté des ressources, même dans ses fondements actuels, c’est-à-dire très consommateurs. Premièrement, il ne faut pas sous-estimer les capacités d’innovation et de substitution des énergies fossiles. Deuxièmement, les scénarios les plus sombres
en matière de réchauffement climatique demanderaient des coûts d’adaptation pour les économies développées qui peuvent sembler importants, mais qui sont très faibles au regard de la création historique de richesses. Pour un pays comme la France, les scénarios économiques ne sont même pas nécessairement défavorables, certaines régions étant perdantes, mais d’autres gagnantes ! L’essentiel du coût relatif sera supporté par des pays du Sud. Cela ne signifie pas qu’il soit souhaitable d’ « abîmer la nature », mais il ne faut pas attendre de celle-ci qu’elle oblige la sphère économique à changer profondément sa nature.

Regards.fr : Y a t-il d’autres moyens pour sortir de la crise ? 

Philippe Askenazy : Cette question est très délicate. Actuellement, les économistes ne sont pas encore capables d’expliquer les mécanismes à l’oeuvre lors de la crise, ou plutôt ils ont trop d’hypothèses pour aider à la prescription politique d’un point de vue pratique. En gros, deux hypothèses sont possibles : l’une fait porter le poids de la crise sur la mécanique financière, l’autre porte sur la profondeur des inégalités. Dans un cas, il faut changer la gouvernance des marchés, dans l’autre, il faut modifier les rapports de force sociaux. Ce n’est vraiment pas le même type de politique !

Regards.fr : A quoi ressemblerait un monde sans croissance, et quels seraient les moteurs de l’économie ? 

Jean Gadrey : Il faut viser un changement de modèle productif et de modes de vie, un tournant antiproductiviste. On peut avoir du développement économique durable, innovant et riche en emploi, sans croissance. La plupart des processus de production propre, les plus doux avec la nature et aussi en termes de conditions de travail, exigent plus de labeur (que les productions surexploitant les ressources naturelles) pour produire les mêmes quantités, mais d’une tout autre qualité. Supposons que l’on remplace en quelques décennies l’agriculture productiviste, destructrice d’environnement et de santé, par de l’agriculture biologique de proximité. Sans croissance des quantités, il faudrait 30 à 40 % d’emplois en plus. La part de la valeur ajoutée agricole progresserait, et, surtout, la qualité et la durabilité de la production seraient bouleversées positivement. Je fais dans mon livre Adieu à la croissance un bilan de la conversion écologique et sociale de tous les secteurs de l’économie. En termes d’emplois, ce bilan serait vraisemblablement positif, sans croissance globale.

Philippe Askenazy : Les futuristes imaginent des mondes sans croissance. Pour ma part,  je pense qu’il faut procéder plutôt par un inventaire des besoins des populations. Cet inventaire désignera des voies nécessaires
de progrès économiques et sociaux, qui, en retour, généreront une croissance, qui n’est pas une fin en soi, mais simplement la résultante du développement des activités offertes à la population.

Regards.fr : Les pays en difficulté aujourd’hui, comme la Grèce ou le Portugal, peuvent-ils se passer de croissance pour rééquilibrer leur finance publique ? 

Jean Gadrey : La plus grande partie de leurs difficultés ne provient pas d’une panne de croissance mais de la domination des marchés financiers sur l’économie et sur les dettes publiques. Mais, évidemment, si en plus de ces facteurs financiers, on ajoute une récession, cela ne va pas arranger leurs affaires ! Donc, c’est clair, à court et moyen termes, il faut les aider à sortir de la récession par la solidarité et surtout par une action résolue contre la finance de marchés. Mais, même dans leur cas, une autre relance est possible, plus verte et plus sociale, avec une forte réduction des inégalités qui plombent leurs sociétés et leurs finances publiques.

Philippe Askenazy : La situation de chacun de ces pays est particulière. La Grèce, qui cristallise les craintes, ne manquait pas de croissance avant la crise. Elle est en fait victime d’un Etat mal organisé et clientéliste, et d’institutions européennes inadaptées à une attaque de sphère financière. L’évasion fiscale, en premier lieu des grandes fortunes, mine la capacité de financement de l’Etat Grec. En plus, la Grèce a, du fait
de son conflit latent avec la Turquie, un budget militaire hypertrophié. Pour retrouver un équilibre, il faut à la fois un changement des institutions européennes, faire le choix de la paix et se doter d’une véritable administration fiscale non corrompue.

Regards.fr : Une société post-croissance est-elle compatible avec le capitalisme financier ? 

Jean Gadrey : Non. On ne voit pas comment une société qui valoriserait d’abord les biens communs naturels et sociétaux pourrait être soumise à la loi de la valeur pour l’actionnaire et à son court-termisme intrinsèque. Les deux conditions à réunir ne sont pas en premier lieu écologiques. Il faut en priorité arraisonner la finance et réduire les inégalités.

Philippe Askenazy : Le capitalisme financier montre ses limites. On voit bien avec les crises de la dette des Etats que ce capitalisme devient antidémocratique et empêche les Etats de construire un nouveau modèle de progrès pour la société. La question de la finance n’est donc plus celle de la croissance ou de la post-croissance, mais tout simplement une question démocratique. Et enfin, comment la France peut-elle sortir de la logique « croissanciste » au vu des contextes européen et mondial ?

Regards.fr : Quel serait le prix à payer ?

Jean Gadrey : Le prix à payer sera bien plus élevé si l’on reste prisonnier du culte de la croissance, mais malheureusement les générations futures ne votent pas. C’est à nous de les représenter. Quant aux moyens financiers à réunir pour lancer vite le chantier des transformations écologique et sociale, et des dettes accumulées, nous les avons largement. J’estime pour ma part que 4 à 5 points de PIB, soit 80 à 100 milliards
d’euros, sont récupérables chaque année en prenant l’argent là où il est, du côté des rentes et des niches pour privilégiés, et de la spéculation. Aucun besoin de croissance pour cela !

Philippe Askenazy : Je ne pense pas que la France puisse sortir de la logique « croissanciste ». La France a une croissance démographique soutenue, qui commande une croissance économique si l’on veut maintenir le
niveau de vie de la population ; la redistribution sera insuffisante. Mais, c’est au politique de prendre l’initiative pour en supprimer les aspects les plus délétères, une forme de conversion.

26Oct/12Off

Voyageurs sans ticket: liberté, égalité, gratuité!!!

L’élue et le philosophe racontent la gratuité des transports publics instituée depuis 2009 dans l’agglomération d’Aubagne. Expérience qui a transformé le rapport des citoyens à l’espace public, raboté les distinctions sociales et fait exploser la fréquentation des bus.

« Le régime républicain se stabilise définitivement autour de l’institution de l’école gratuite, une innovation qui place la liberté politique du peuple au-dessus de la mécanique marchande. Cet optimisme démocratique est-il aujourd’hui perdu ? Avec la gratuité des transports publics, il s’agissait de proposer aux habitants du Pays d’Aubagne et de l’Étoile une mesure qui mettrait tout le monde sur un pied d’égalité, pas une mesure réservée aux plus pauvres, pas une mesure où les familles aisées ne trouveraient pas leur compte, créer une situation où les différences de revenus n’auraient plus d’importance »

Quand le principe de la gratuité des transports publics est proposé aux citoyens de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile, les réactions de défiance sont nombreuses. Si pour certains la gratuité est une composante essentielle de l’existence humaine, d’autres se demandent si elle ne dévalorise pas ce qu’elle touche – c’est gratuit donc sans valeur –, ou si elle ne conduit pas à se croire tout permis.

L’expérience engagée en 2009 lève les réticences et se solde par une progression spectaculaire de l’usage des transports publics, des circulations nouvelles entre les citoyens et les territoires, le tout sans coût supplémentaire pour les habitants.

Plaidoyer pour la gratuité, ce document est d’abord le récit d’une innovation politique réussie. Explorant les diverses implications de cette expérience, il propose une réflexion stimulante sur la faisabilité de politiques alternatives au tout-marchand. Il ouvre sur une pensée politique qui croise radicalité de gauche, inspiration libertaire, fécondité de l’utopie quand elle transforme la réalité. Le XXIe siècle est-il en train de défricher de nouvelles voies d’émancipation ?

Voyageurs sans ticket, Liberté, égalité, gratuité
Une expérience sociale à Aubagne
Jean-Louis Sagot-Duvauroux, Magali Giovannangeli
Editions Au Diable Vauvert

25Oct/12Off

Interview GLOBAL FRACKDOWN DAY.

Interview du Docteur Pierre Souvet sur la problématique de la santé et les gaz de schiste, au cours de la GLOBAL FRACKDOWN DAY, JOURNÉE INTERNATIONALE DE MOBILISATION ET D’INFORMATION CONTRE GAZ ET HUILES DE SCHISTE.
Ce qui est intéressante dans cet interview c'est de voir la position d'expert d'un médecin sur les poluants générés par l'exploitation du Gaz de schiste pour notre avide consommation d'énergie, que sa vision sur l'avenir. Car au bout c'est quand même à nous de décider si nous voulons ou avons besoin de cette énergie, pour les l'objectrices et objecteurs de croissance c'est NON.
Les collectifs du Sud de la France, organisateurs de cette journée, ont réaffirmé leur opposition à toute exploration et exploitation de gaz et huiles de schiste aussi bien au niveau national qu’international. A l’approche de la conférence gouvernementale sur l’environnement, la position du gouvernement apparaît attentiste et laisse la porte ouverte aux foreurs. Se masquant derrière la loi du 13 juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique, il ne se prononce pas sur l’exploration des gaz et huiles de schiste, ni sur une interdiction de tous les permis.Interview du Docteur Pierre Souvet sur la problématique de la santé et les gaz de schiste, au cours de la GLOBAL FRACKDOWN DAY, JOURNÉE INTERNATIONALE DE MOBILISATION ET D’INFORMATION CONTRE GAZ ET HUILES DE SCHISTE.
Les collectifs du Sud de la France, organisateurs de cette journée, ont réaffirmé leur opposition à toute exploration et exploitation de gaz et huiles de schiste aussi bien au niveau national qu’international. A l’approche de la conférence gouvernementale sur l’environnement, la position du gouvernement apparaît attentiste et laisse la porte ouverte aux foreurs. Se masquant derrière la loi du 13 juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique, il ne se prononce pas sur l’exploration des gaz et huiles de schiste, ni sur une interdiction de tous les permis.


Santé et Gaz de Schiste – Docteur Pierre Souvet... par Thierry-Le-Roy-84

23Oct/12Off

Notre décroissance n’est pas de droite

[Ouvrage collectif coordonné par Michel Lepesant, paru en septembre 2012 chez Golias]

Si « être de gauche », c’est comprendre, faire et agir « du point de vue des dominés », nous voyons mal – sauf à nier la réalité des dominations ou à bâcler leur dépassement – comment la décroissance dans son opposition à la croissance des aliénations, des exploitations et des humiliations peut éviter de « choisir son camp ».

« Indignation », « transition », « désobéissance », « sécession », des cris s’entendent pour tenter de bousculer une démocratie anesthésiée. A la croisée, en ligne de mire ou en filigrane, la « décroissance » doit maintenant prendre toutes ses responsabilités politiques : celui de rappeler que « notre décroissance n’est pas de droite ».

Dans les « utopies concrètes », les alternatives, les eSpérimentations sociales, et cela dans tous les domaines de la « vie bonne » : alimentation, santé, logement, éducation, culture, transport, monnaie… Dans la visibilité de la vie politique classique – élections, pétitions, manifestations, convergences – sans jamais se départir d’un bénéfique scepticisme vis à vis du « spectacle » politique comme de la « brigue » du pouvoir. Et aussi dans le « travail du projet » : car il s’agit de rêver, de se projeter, de viser une cohérence.

* * *

Présentation. Par Michel Lepesant

Préface : Une décroissance ni de droite ni bigote. Par Paul Ariès

Territoires de la décroissance, terroir de l’extrême-droite : quelle frontière ? Par Thierry Brulavoine

Au juste milieu des universels. Par Alain Dordé et Michel Lepesant

Qui récupère qui ? Entrevue avec Serge Latouche, par Bernard Legros

L’école de la décroissance en gestation. Par Bernard Legros

La décroissance en tant que considération intempestive. Par Michel Lepesant

Que faut-il conserver ? Par Maïta et Pierre Lucot

Pour une société avec Etat, contre Etat ou sans Etat ? Par Sylvie Maréchal

Revenu d’existence ou revenu d’existence ? Par Baptiste Mylondo

La technique et l’extrême droite. Par Jean-Luc Pasquinet

Localisme et relocalisation. Par Martine Tiravy

La nature comme fondement d’une nouvelle interrogation éthique. Par Jérôme Vautrin

Le rapport des Limites à la croissance : un catastrophisme au service des riches ? Par Elodie Vieille Blanchard

Deux critiques de la démocratie. Par Annie Vital

23Oct/12Off

Comment démanteler la méga-machine ?

Publié sur Entropia, repris sur les-oc.info
[Merci à Philippe Bihouix de nous permettre de reprendre cet article publié d'abord dans le numéro 12 de la revue Entropia]

Fukushima a été l’occasion cruelle de rappeler à tous les réalités intolérables de l’industrie nucléaire, et marquera sans aucun doute le coup d’arrêt de sa « renaissance » annoncée sous les auspices de la lutte contre le changement climatique et de l’arrivée imminente des pics pétrolier et gazier. Le débat sur la sortie du nucléaire progresse même en France, mais il reste enchâssé dans les aspects techniques de la substitution, possible ou non, à quel rythme et à quel coût, de la production électronucléaire par d’autres énergies.

Pourtant, démanteler les centrales nucléaires ne suffira pas à sortir de l’anthropocène, loin s’en faut. Car en fondant la sortie du nucléaire avant tout sur le développement massif des énergies renouvelables, nous nous bercerions des mêmes illusions que les plus farouches partisans du nucléaire : en particulier la croyance en la pérennité de notre système industriel, tel que nous le connaissons aujourd’hui. Or d’ici quelques décennies celui-ci aura vécu.

Prendre la vraie mesure de la transition nécessaire

Pourquoi en effet, selon nos brillants technarques, se lancer dans la construction ruineuse de centrales de troisième génération (type EPR) qui ne résolvent en rien les questions des risques ou des déchets, ni celle d’ailleurs des réserves de combustible, l’uranium 235 – qui à elle seule, n’aurait de toute manière pas permis un développement très fort de l’industrie nucléaire[1] ?

Un des arguments « rationnels » avancé est que le nucléaire pourrait – devrait ? – devenir, à terme, disons dans quelques dizaines d’années, une énergie propre et abondante dont l’humanité ne pourra se passer. Il serait ainsi nécessaire, presque coûte que coûte, de maintenir sous perfusion la filière afin de mener les recherches et d’acquérir les expériences industrielles qui permettront, dans un premier temps, vers 2040 ou 2050, de passer à la quatrième génération (les surgénérateurs), puis, à l’horizon 2100 peut-être, à la fusion, sans parler d’autres produits intermédiaires comme les mini-centrales sous-marines, forcément tellement pratiques et sûres.

La quatrième génération et les suivantes « mangeant » de l’uranium 238, du plutonium voire certains actinides, viendraient résoudre le problème des réserves, et d’une partie des déchets. Nous aurions, enfin, quelques milliers d’années devant nous. Quant à la fusion, le fantasme de l’énergie en quantité infinie et non polluante justifie les milliards engloutis dans ITER[2]. En résumé, il faudrait donc appuyer à fond sur la pédale de l’accélérateur, tout en serrant les fesses pour ne pas avoir trop de problèmes avec nos cocottes minute actuelles et à venir – car on nous le répète désormais à l’envi : il n’y a pas de risque zéro – en attendant un avenir meilleur et absolument propre.

C’est faire fi des aspects systémiques de notre société industrielle qui risquent fort de venir perturber ce charmant scénario. Pour ne prendre qu’un exemple, le développement du nucléaire est basé sur une formidable disponibilité en énergies fossiles et en métaux.

Compte tenu des conditions de travail sévères dans un réacteur nucléaire ou dans la filière des combustibles et des déchets, les matériaux utilisés doivent résister à la température, la pression, la chaleur, la corrosion, l’irradiation. On y trouve ainsi du nickel, du titane, du cobalt, du tantale, dans les aciers inoxydables et les alliages à haute teneur en nickel, très largement employés dans la robinetterie nucléaire ; du zirconium pour emballer les « crayons » de combustible ; du plomb pour ses capacités à absorber les radiations ; du tungstène pour les conteneurs de combustible nucléaire ; de l’hafnium, du cadmium, de l’indium, de l’argent, du sélénium, du bore[3], matériaux absorbeurs de neutrons utilisés dans les barres de commande et de contrôle ; du lithium, comme réfrigérant pour les réacteurs ou dissolvant de combustible nucléaire ; etc.

Pour toutes ces ressources minérales, nous disposons de 50 à 100 ans de réserves – et encore pour les plus abondants. Nous exploitons un stock géologique limité, qu’il ne sera possible d’augmenter péniblement à l’avenir qu’au prix d’une dépense énergétique exponentielle, parce que les ressources seront moins concentrées et/ou moins accessibles (plus profondes, sous-marines ou aux latitudes polaires). De la même manière que l’on épuise la planète à lutter contre le pic de pétrole conventionnel avec un rendement – Energy Return On Energy Invested – dangereusement décroissant[4], il faudra bientôt compter avec d’autres indicateurs, Metal Return On Energy Invested, Energy Return On Metal Invested, ou même Metal Return on Metal Invested.

Alors à quoi bon chercher – à grands frais et surtout grands risques – à développer des systèmes techniques qui nous apporteraient prétendument des milliers d’années de réserve d’énergie, puisqu’il faudra bien, fatigue oblige, renouveler les centrales, quel que soit leur type, au moins une ou deux fois par siècle, ce qui sera littéralement impossible puisque nous manquerons de métaux pour les construire, voire même pour maintenir l’ensemble du système technique (robotique, électronique, informatique, moyens de déplacement rapide pour experts ou techniciens spécialisés…) permettant leur exploitation ?[5] Car la contrainte géologique s’appliquera aussi aux métaux non spécifiques de l’industrie nucléaire, comme l’étain, utilisé pour les soudures électroniques.

Or, malheureusement, nous pourrions étendre ce même raisonnement aux autres énergies, à commencer par l’éolien de forte puissance et le solaire. Certes, avec la dimension du risque d’accident en moins, ce qui est déjà énorme !

Car sinon, quelle différence, en termes de contenu technologique, de complexité technique, entre une centrale nucléaire et une éolienne industrielle de 5 ou 7 MW, par exemple ? Ou plutôt, un macrosystème de milliers d’éoliennes et de « fermes » photovoltaïques, reliées par des smart grids permettant à tout instant d’équilibrer offre intermittente et demande variable ? Aucune : on y trouve également des métaux farfelus, une organisation de production mondialisée, exigeant des moyens industriels à la portée d’une poignée d’entreprises transnationales, une installation, une exploitation et une maintenance requérant des moyens exceptionnels (barges, bateaux, grues, remorques spéciales…), ne pouvant s’appuyer que sur une expertise fortement centralisée, un réseau de fabrication et de distribution de pièces détachées ultra-techniques, de l’électronique à tous les étages… A mille lieues d’une production autonome, résiliente, ancrée dans les territoires, et maîtrisable par des entreprises et des populations locales.

Peut-on imaginer de maintenir un tel système de production pendant des siècles ou des millénaires ? Naturellement non, pour la même raison que les centrales nucléaires : il faudra bien changer ces grandes éoliennes tous les 30 ou 40 ans, avec l’impossibilité de recycler correctement – c’est-à-dire sans dégradation de l’usage[6] – tous les matériaux, le manque à venir de ressources spécifiques, la dépendance cachée aux énergies fossiles[7] et à l’ensemble de la méga-machine technique.

Reposons notre question : alors à quoi bon se lancer dans un grand programme industriel de renouvelables si l’on sait déjà que le niveau actuel (ou légèrement amendé à coup d’efficacité énergétique) de notre dépense énergétique n’est pas soutenable sur le long terme ? Pour s’acheter du temps, répondrons certains, et se permettre d’organiser la transition. Mais alors pourquoi ne pas organiser plutôt la transition tout de suite ? Cela éviterait de gaspiller des ressources précieuses – énergie et matériaux – dans l’intervalle en continuant à accélérer le système.

Concrètement, qu’est-ce que cela implique ? Prendre la vraie mesure de la transition. Rester simple. Parfois, en faire le moins possible.

Prendre la vraie mesure de la transition, c’est admettre que les formes d’énergie vraiment durables sont sans doute celles basées sur des systèmes moins « agressifs », très locaux et adaptés à leur environnement et de relativement « basse technologie » – afin d’être réalisables, réparables et remplaçables localement – quitte à renoncer à un peu de rendement et de performance : micro et mini hydraulique, petites éoliennes « de village », solaire thermique pour les besoins sanitaires et la cuisson, pompes à chaleur, biomasse…

Las, la quantité d’énergie récupérable par de telles technologies sera bien faible eu égard à nos standards occidentaux. Pas la peine d’espérer faire fonctionner des batteries d’escalators, des trains à grande vitesse ou de gros sites industriels chimiques et électrométallurgiques. Mais si l’on s’organise bien, assez probablement pour vivre décemment[8] et ne pas retourner au lavoir pour faire la lessive à la main. Il faudra par contre monter les escaliers à pied et renoncer aux canettes en aluminium.

Les implications techniques, économiques, sociales, et culturelles sont abyssales. Pour n’en citer que deux, il sera probablement nécessaire de nous « désurbaniser », pour retrouver l’échelle du village et du bourg, car si une petite éolienne sur un toit peut faire fonctionner une machine à laver, elle ne pourra pas fournir le courant à tout un immeuble ! Sans parler du bois de chauffe… Il faudra également penser le ralentissement – sociétal, culturel – pour retrouver le temps nécessaire à un meilleur partage des équipements collectifs et une consommation d’énergie plus basse. Dans les transports et les loisirs naturellement, et, pour rester sur la lessive, parce qu’il faudra peut-être lancer la machine (donc pas trop loin de chez soi) au moment où le vent se lève ! Après tout, à l’époque pas si lointaine des moulins à vent, je suppose que le meunier faisait autre chose les jours de calme plat[9].

Rester simple, car à chaque fois que nous faisons le choix de systèmes plus complexes (pour améliorer le rendement par exemple), plus centralisés, plus mécanisés, plus machinisés (nouvelle frontière de la « productivité » qui vise au remplacement des métiers d’accueil et de service[10]), nous nous éloignons a priori du monde durable et nous rendons plus difficile et plus douloureux le chemin vers la sortie de l’anthropocène. Quelle place demain pour l’informatique, le réseau internet, les télécommunications, tellement enferrées dans l’innovation permanente, la complexité et l’obsolescence programmée ? La réflexion reste à construire, bien au-delà des premiers concepts éthérés du green IT et du Cloud Computing, dont les gains théoriques ont jusqu’à présent été balayés par un phénoménal effet rebond.

Parfois, en faire le moins possible : c’est d’abord de pas nuire, ne pas détruire ce qui peut encore être préservé. Ce serait déjà une vraie révolution, tant nous en sommes éloignés aujourd’hui. L’artificialisation des sols en France emporte la surface d’un département tous les 7 ans ! Et l’on continue joyeusement à bétonner, asphalter ou empierrer, sans doute parfois[11] avec les meilleures intentions (les lignes grande vitesse qui éviteront les déplacements en avion, les plateformes logistiques qui permettront le report modal, etc.)

Ensuite peut-être ne pas s’acharner à « réparer » à tout prix, regarder avec circonspection les réhabilitations de certains sites industriels – quand la dépollution consiste à racler la terre polluée pour aller l’enfouir ailleurs.

Cas emblématique : celui du démantèlement des sites nucléaires. Il est fort à parier d’ailleurs que la plupart ne seront en réalité jamais démantelés, mais uniquement laissés en place[12], devenant nos futurs territoires tabous, quand bien même le montant provisionné à ce jour serait correct[13]. Car là encore, il faut une société riche d’énergie, de matériaux et de technologie pour avoir les moyens matériels d’un démantèlement (cf. l’exemple certes spécifique mais néanmoins hallucinant de Superphénix dont les 3 500 tonnes de sodium désormais radioactif sont maintenues en fusion depuis son arrêt pour être lentement et précautionneusement désactivées en soude). Le jour où il faudra réellement débloquer les sommes provisionnées, c’est-à-dire ni plus ni moins que des octets sur un compte électronique comme signes modernes d’un bon à tirer – malheureusement théorique – sur le travail et les ressources du futur, les moyens humains et matériels feront défaut.

Quelques leçons de l’abolitionnisme anglais

Comment entamer le démantèlement de la méga-machine, et surtout quelles chances de réussite dans un monde tellement imbriqué économiquement et culturellement ? Comment se lancer dans une aventure aussi extravagante que le ralentissement et la relocalisation, alors que l’ensemble du monde accélère et que les échanges s’intensifient ? Inimaginable.

Nous n’aurions alors d’autre choix – encore le coup du There is no alternative – que de mettre en place une gouvernance mondiale, ou à la rigueur européenne, pour se lancer dans l’aventure et amorcer un consensuel et lent virage sur l’aile à la sauce développement durable, dans une version 2.0 qui se voudrait peut-être un peu plus volontariste. On imagine le temps qui serait nécessaire à un tel alignement (cf. les négociations sur le climat), à moins que des catastrophes mondiales convaincantes – ou un Peak Oil particulièrement sévère – ne précèdent l’effondrement, ce qui n’est pas particulièrement souhaitable.

Et si, au contraire, l’alternative était possible ? Afin d’illustrer mon propos, j’aimerais partir de trois éléments tirés de l’histoire de l’abolition de la traite et de l’esclavage en Angleterre[14].

D’abord, l’Angleterre vote, de manière unilatérale, l’abolition de l’esclavage en 1833. Il ne manquait pourtant pas d’économistes et de « décideurs » pour expliquer que cette décision allait grever le budget des plantations et mettre à mal la compétitivité du pays et les petites entreprises familiales[15]. Ensuite, ils appliquent avec constance, dans les décennies suivantes, une diplomatie volontariste fondée sur le bilatéralisme, après avoir renoncé au multilatéralisme inopérant sur le sujet, faisant pression sur les autres Etats, pour les faire plier et voter eux aussi l’abolition. Enfin, ils engagent une force navale dans l’Atlantique, le British African Squadron, pour faire la course aux bateaux négriers et augmenter la pénibilité, donc le coût, du doux commerce triangulaire.

Les historiens pointilleux et les esprits chagrins me pardonneront ces simplifications à la serpe et le passage sous silence de certaines subtilités : que l’émancipation effective fut assortie de nombreuses clauses transitoires et compensatoires pour les planteurs, que ce bilatéralisme forcené était sans doute conduit avec certaines arrière-pensées hégémoniques de l’Empire britannique… Certes. Il n’empêche qu’indéniablement cela a accéléré la fin de l’esclavage, que les sociétés abolitionnistes étaient portées par un véritable souffle humaniste et universaliste, et qu’on ne peut que saluer le courage politique d’un Thomas Clarkson ou d’un William Wilberforce.

Quelles leçons en tirer ? Pourquoi ne pas décider de manière unilatérale (un pays, ou un petit groupe de pays européens par exemple) d’entrer réellement en transition ? Certes de nombreux biens et services sont échangés avec l’ensemble de la planète, mais une large part de l’économie reste cependant nationale, et les échanges avec les pays frontaliers restent majoritaires.

Qu’est-ce qui, foncièrement, nous empêche de revoir dès maintenant les règles d’urbanisme en profondeur, pour mettre fin à l’étalement urbain et réduire les déplacements ? De transformer radicalement notre système de gestion des déchets ? L’installation systématique de composteurs[16], avec un accompagnement d’une partie des éboueurs reconvertis en « conseillers compost », permettrait de réduire le volume de moitié et de rendre des nutriments non pollués aux terres agricoles, tandis qu’on pourrait réduire le reste et recycler très fortement, avec une réglementation volontariste sur l’emballage et les imprimés publicitaires (tout cela sans mettre à mal les finances publiques). De lancer un programme massif de soutien et de conversion à l’agriculture biologique, de remembrement agricole (vive les petites parcelles et les haies), de rééquilibrage des activités de culture et d’élevage ? D’abandonner les stupides programmes de lignes ferroviaires à grande vitesse, d’autoroutes, de routes ? De revoir notre fiscalité pour mieux arbitrer entre main d’œuvre, énergie et matières premières ? De faire évoluer notre échelle des valeurs pour mieux reconnaître socialement l’artisanat et les métiers manuels ? De réorienter drastiquement la recherche publique, l’enseignement ? Objectivement rien.

La puissance d’action de l’Etat et des collectivités, malgré les reculs des dernières décennies, reste considérable. Tant par le volume de leurs achats (pensons aux repas bios dans les cantines ou les administrations, aux prescriptions dans les cahiers des charges techniques des bâtiments…) que par les capacités normatives, réglementaires et législatives (comment se retenir d’interdire purement et simplement ces stupides voyages aériens subventionnés par les comités d’entreprise ou les éclairages de rue à Noël[17] ?)

Bien sûr, en réalité, avec un tel programme, nous mettrions probablement à mal indirectement, par un effet domino difficile à anticiper et à conceptualiser, un certain nombre d’activités économiques. Des entreprises fermeraient ou délocaliseraient[18]. On imagine bien que nos usines de production d’aluminium, par exemple, gourmandes en électricité pour transformer la bauxite importée, auraient tôt fait de s’installer ailleurs si nous stoppons les centrales sans leur offrir l’équivalent gazier (facile) ou éolien (difficile).

Et alors ? Que se vayan todos ! Qu’avons-nous à faire d’une production massive d’aluminium, qui sert aujourd’hui à fabriquer des portières de voiture, des encadrements de fenêtres pour les tours de bureaux et des emballages individuels pour les gâteaux industriels à l’huile de palme ? Nous emballerons nos sandwiches dans un torchon ou une boîte réutilisable au lieu du papier aluminium, et achèterons les yaourts[19] à la crèmerie du quartier, en ramenant nos petits pots en verre[20], voilà tout !

Ce qui compte, c’est de s’assurer que nous gèrerons les conséquences sociales – inévitables – de la transition. Car si nous pouvons voir partir ou disparaître sans hésiter telle ou telle activité nuisible, il n’est pas question de laisser sur le carreau les salariés qui en dépendent. Car c’est bien la défense de l’emploi qui empêche toute radicalité dans l’évolution réglementaire (il faut maintenir les sacs plastiques pour la filière de Haute-Loire) et oblige à toutes les compromissions (avec les pays peu démocratiques acheteurs d’excellence française, matériel militaire ou génie civil par exemple).

Or, prenons à titre didactique la disparition d’une usine de boulons, où de tout autre objet ou service qu’il vous plaira de choisir (engrais, pesticides, armes, automobiles, produits jetables, emballages, services de marketing, de publicité, d’ « évènementiel », etc.) Du jour au lendemain, si nous n’avons plus besoin de ces boulons parce que nous n’en avons plus l’usage (cf. l’aluminium supra), la disparition de l’usine ne change fondamentalement rien aux bornes de la société France : même quantité de nourriture produite, de vêtements, de mètres carrés de logement, etc. Le seul problème – et de taille ! – est que la mise au chômage du personnel vient déformer localement la répartition des richesses, donc leur capacité à consommer ces produits (nourriture, vêtements, logements…) Il suffirait donc de réorganiser cette répartition, par le maintien du salaire à vie grâce à une assurance chômage étendue, ou par la réduction et le partage du temps de travail, sans rien changer à la consommation des autres !

Plus facile à dire qu’à faire, naturellement, mais l’idée générale serait donc de faire décroître la consommation du superflu[21] de pair avec les emplois correspondants, tout en maintenant la cohésion sociale. En parallèle, il est fort à parier que l’évolution souhaitable dans l’agriculture (de plus petites exploitations, plus intensives en travail humain), dans l’artisanat (pour fabriquer et entretenir des biens durables), dans les services (le retour de l’humain contre la machine), devrait être pourvoyeuse d’emplois.

Revenons à nos anglais. Quel pourrait être l’équivalent de leur bilatéralisme forcené ? Il pourrait s’agir par exemple des barrières douanières à l’entrée, sous forme de taxes ou de pressions réglementaires, qui auraient pour effets d’obliger les pays exportateurs à s’aligner, d’une manière ou d’une autre, pour accéder à notre marché, et pour partie de relocaliser la production.

On ne reprochera pas à l’huile d’olive d’être produite là où le soleil est généreux – il serait néanmoins agréable de savoir que celle-ci est produite de manière décente pour l’environnement[22] – mais pourquoi, à terme, les chaussures devraient être produites ailleurs que localement, sauf peut-être dans les pays où les contraintes géographiques ne permettraient pas de produire assez de cuir pour les besoins de la population ?

On pourrait également imaginer très facilement de revoir totalement notre aide au « développement », qui continue à être fondée, malgré un léger vernis vert, sur l’exploitation des ressources locales (ouvrir des routes pour exploiter des mines ou des forêts, construire des barrages pour alimenter des usines, etc.)

Et l’équivalent du British African Squadron, me direz-vous ? Eh bien… sans aller jusqu’à imaginer que notre marine nationale pourrait aller courser les bateaux qui pratiquent la pêche intensive ou en eaux profondes, ou que nos commandos parachutistes pourraient aller réaliser des contrôles environnementaux chez nos fournisseurs étrangers[23], on pourrait imaginer par exemple des pressions sur les compagnies transnationales qui souhaitent exercer des activités en France.

La transition, hic et nunc

Pourquoi attendre donc ? C’est bien ici et maintenant que nous pouvons et devons nous lancer dans la sortie de l’anthropocène, à tous les tempos, à toutes les échelles, locales, régionales, et nationales.

L’entamer dès à présent, commencer à démanteler, pièce par pièce, la méga-machine, avec opiniâtreté, car la route sera longue et sinueuse, c’est de toute manière préparer l’avenir en augmentant la résilience de nos sociétés, leur capacité à encaisser les chocs et les contre-chocs qui ne manqueront pas de se produire régulièrement, dans un monde à court de carburant – l’abondance de l’énergie, des matériaux et des surfaces disponibles – et qui connaîtra donc des soubresauts. Fonder l’espoir d’une sortie de l’anthropocène, c’est aussi ouvrir une perspective différente de celle d’une « crise » sans fin d’un capitalisme à bout de souffle.

Philippe Bihouix

[1] 70 à 100 ans de réserves tout au plus au rythme de consommation actuelle, soit environ deux décennies de visibilité en cas de triplement du parc installé, par exemple, qui était un scénario de développement tout à fait envisagé par l’industrie ou l’Agence Internationale de l’Energie avant Fukushima

[2] A condition d’éviter de crier sur les toits que les ressources ne sont pas infinies là non plus : l’énergie provient de la fusion de deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium et le tritium, mais ce dernier, non présent à l’état naturel, devrait être produit « par exemple » à partir du… lithium – un métal pas particulièrement abondant (2 à 3 fois moins présent que le cuivre dans la croûte terrestre) !

[3] Qui n’est pas un métal mais ne l’empêche pas d’être disponible en quantité limitée

[4] Seulement 3 barils produits pour 1 investi dans les sables canadiens de l’Athabasca, contre 50 pour 1 ou plus dans les champs géants historiques

[5] Il est d’ailleurs étonnant de noter que les mêmes partisans du nucléaire souhaitent enfouir les déchets pour ne pas les exposer, d’ici quelques décennies, à un monde qui deviendra instable et dangereux (voir par exemple l’excellent documentaire Into Eternity, sur le site d’enfouissement finlandais Onkalo). Ce qui n’est pas très cohérent avec l’espoir d’exploiter en même temps cette énergie à grande échelle

[6] Un recyclage avec la possibilité d’une utilisation aussi noble que celle d’origine, ce qui est rarement le cas

[7] Nous avons parlé des métaux ; mais le raisonnement s’applique – encore plus – à tous les matériaux de synthèse issus du pétrole et du gaz (plastiques, polymères…) A moins d’espérer les biosourcer avec la chimie du végétal (en compétition très probable avec les usages alimentaires) ou de transformer les schistes bitumineux (mais nous serons alors rattrapés par la dépense énergétique)

[8] La définition de ce niveau de décence étant bien entendu épineuse et éminemment subjective

[9] Je ne plaisante qu’à moitié… en ayant conscience d’alimenter les craintes du « retour à la bougie » ! On peut espérer néanmoins que des systèmes plus évolués permettront de réduire l’intermittence des sources d’énergie – par exemple la micro-hydraulique, qui n’est qu’un moulin à eau électrifié, ou les générateurs à base de biomasse.

[10] Toute personne ayant mis les pieds récemment dans un bureau de poste comprendra ce que j’entends par là

[11] Au bénéfice du doute, dirons-nous, car il s’agit plutôt de nourrir la méga-machine, les entreprises de travaux et les spéculateurs immobiliers

[12] Eventuellement maintenus hors d’eau pour éviter toute contamination de la nappe phréatique ?

[13] Ce qui fait quand même largement débat, puisque les estimations varient de 200 millions à 3 milliards d’euros par réacteur

[14] Sans oublier toutefois, l’Abbé Grégoire et la première abolition votée en 1794 par la Convention

[15] Comme l’ensemble des progrès sociaux, qui toujours allaient sonner le glas de la compétitivité des entreprises et des territoires : limitation du travail des enfants, semaine de 5 jours, 40 heures hebdomadaires, congés payés… On connaît le refrain, plus que jamais ânonné.

[16] Ou, dans les villes denses, de composteurs à lombric

[17] Pour ne s’en tenir qu’à deux exemples idiots et ne pas verser dans « l’écologie liberticide »

[18] Les esprits retors répondraient à cet argument que c’est ce qu’elles font déjà depuis des décennies. Mais tout est une question de rythme.

[19] Dont il ne vous aura pas échappé qu’ils se sont dotés, vers la fin du siècle dernier, d’un opercule aluminium – plastique grâce à un marketing efficace de nos producteurs d’aluminium locaux

[20] Eh oui, comme autrefois. Je force un peu le trait pour appuyer mon propos, le lecteur l’aura compris.

[21] Précisons à nouveau, dont la définition reste subjective et donnera lieu à d’épineux débats qu’on espère démocratiques

[22] Ce qui disqualifiera donc très rapidement l’huile de palme comme corps gras importé

[23] Quoique l’idée ne soit pas déplaisante, elle pourrait nous attirer certaines inimitiés

1Sep/12Off

Rétractation de la banquise: merci les automobilistes!

N’en déplaise aux climato-sceptiques, la rétractation de la banquise s’accélère à chaque saison comme en témoignent ces clichés satellites tirés d’un article sur fr.msn.com.

De tous les comportements courants des citoyens français, c’est celui de conduire une voiture particulière qui contribue le plus au réchauffement climatique. Aussi, pour essayer de retarder cette catastrophe écologique, la première urgence devrait être de renoncer à se déplacer en voiture, surtout si on est seul à bord.

Une des premières mesures que devrait prendre le gouvernement devrait être d’interdire la publicité automobile et même d’interdire de montrer des voitures au cinéma comme cela s’est produit en son temps pour la cigarette dans les films.


GC (www.LecoLomobiLe.fr et CrypText.fr)

31Août/12Off

Faites baisser votre facture de carburant de 20%

Par Gilles • 30 août, 2012 sur carfree.free.fr

Alors que le coût du carburant est le sujet brulant du jour, les médias choisissent de mettre en évidence les difficultés des ruraux, ces exilés des grandes cités dotées de transports en commun performants. Le gouvernement, lui, peine à faire baisser de quelques centimes le prix du litre, ce qui dans le meilleur des cas fera économiser une petite dizaine d’euros par voiture et par mois.

A l’occasion, on tourne en dérision sur les radios la recommandation de Christine Lagarde qui en 2007, alors ministre de l’économie déclarait:

«J’en appelle à intelligence des Français. Le postulat de départ est simple: les énergies fossiles vont devenir de plus en plus rares. Or, ce qui est rare est cher… En réponse, les Français doivent adopter des comportements et des modes de consommation différents à la fois pour préserver leur pouvoir d’achat et pour préparer l’avenir.»

Ces paroles, que l’on pourrait attribuer au plus vert foncé des militants écolos, ne sont pourtant pas audibles par la plupart des français faute de pédagogie. Car à y bien regarder, nos villes sont elles saturées de voitures par les ruraux qui viennent y travailler? Bien sûr que non, plus de la moitié des trajets domicile/travail sont inférieurs à 8 km, soit environ 10 à 15 minutes à vélo.

La proposition du « collectif pour l’essor du vélo à Toulon » est la suivante: laissez tomber la voiture un jour par semaine au profit du vélo. Là, le calcul est simple: un jour sur cinq, c’est 20 pour cent d’économie soit un sérieux plus pour le pouvoir d’achat cette fois.

Vous y gagnerez en temps, en santé, en efficacité. Vous contribuerez à moins polluer l’air de la ville, vous préparerez l’avenir en montrant à vos enfants que c’est possible et vous pourrez même offrir des légumes bio à vos nistons. Vous lutterez aussi contre la poussée énorme des industriels qui distillent froidement leur venin sur les radios nationales en prônant l’utilisation des gaz de schiste. (écoutez sur le lien ci-dessous à 2’15 ») .

Le collectif proposera prochainement une balade sur le thème du coût des carburants, en faisant le tour (à vélo) des stations services de la ville. Nous mettrons alors en valeur la plus « vertueuse »… celle qui propose les prix les plus élevés.

En attendant, rendez vous au moins une fois par semaine sur les pistes cyclables de l’aire toulonnaise dont nous souhaitons qu’elles soient à leur tour les victimes d’embouteillages inextricables…. mais ça, ce n’est pas pour demain.

Source: http://lamassecritique.fr/

 

19Août/12Off

Grenelle de l’environnement : la supercherie écologique [Jean-Christophe Mathias]

Cet ouvrage est une analyse juridico-politique des lois Grenelle 1 et Grenelle 2.

Il démontre que ce qui a été présenté comme une opération pour la protection de l’environnement était une manipulation purement électoraliste.